La semaine dernière s’achevait Ganesh Chathurti. C’est la fête dédiée au dieu à tête d’éléphant, particulièrement populaire à Bombay et dans l’etat du Maharashtra. Le premier jour, les hindous vont se baigner pour se purifier puis vont acheter une statue de Ganesh, dont la taille peut osciller entre quelques centimètres et plusieurs mètre de haut (c’est la même chose partout : savoir qui a la plus grosse) qu’ils vont honorer matin et soir pendant quelques jours.
Le dernier jour, ils vont immerger la statue-dieu en lui demandant chance et prospérité.
Cette année, la fête dura 11 jours.
Les premiers et les derniers jours était absolument déments. De 8h du mat’ à minuit, il était impossible de se balader à Bombay sans croiser des enceintes crachant de la musique à toute berzingue, des joueurs de tambour qui tapaient sur leur fût jusqu’à en crever et des processions composées de centaines de personnes qui suivaient les statues dans la rue, avec tout le monde qui dansait et les gamins qui se lançaient de la peinture en poudre à la figure (comme pour Holi, la fête des couleurs).
Je suis toujours stupéfait du volume de la musique pendant les fêtes indiennes. La plupart du temps, les organisateurs utilisent des camions transportant un mur d’enceintes de trois mètres de haut (encore une fois : qui a la plus grosse?) crachant de la musique à un volume à la limite du supportable, et ce, dans la plupart des quartiers, riches comme pauvres. Et la musique, la plupart du temps n’a rien d’une douce mélopée ou d’un raga lancinant ; non, c’est plutôt un mix entre le dernier tube de Bollywood et de la grosse musique de discothèque. David Guetta serait stupéfait de voir quel succès il a ici aussi (malheureusement). Évidemment, les basses sont au max, le beat est un coup de marteau répété sur une enclume, et la musique sature comme un crissement d’ongles sur un tableau noir.
En un mot, c’est insupportable.
Mais l’ambiance que mettent ces futurs sourds est incroyable. Je crois qu’on ne peut pas entièrement comprendre le sens de l’expression « faire la fête » avant d’avoir été à un festival ici. Les mecs ne se retiennent plus, ils deviennent complètement fous et le plus étonnant c’est que beaucoup n’ont ingérés ni alcool, ni drogues.
Pour en revenir à Ganpati (autre nom de la fête du gros Ganesh), le dernier jour (lundi 8 septembre cette année) consistait en un exode massif vers le point d’eau le plus proche pour immerger une multitude de statue du dieu éléphant. Et là, attention le spectacle : je crois que je n’ai jamais vu autant de gens réunis en un seul endroit. C’est dans ces moments là qu’on se fait la réflexion assez con qu’en fait, il y a vraiment beaucoup de monde dans ce pays.
J’étais avec mes camarades sur Chowpatty Beach, une très jolie plage sur Marine Drive, la promenade des anglais de Bombay. C’était à cet endroit que tout le beau monde se retrouve à Bombay, moins pour l’immersion des petites statues que pour assister au défilé de statues géantes de Ganesh qui défilaient par dizaines, gigantesques créatures colorées aux formes voluptueuses.
Du lundi matin, jusqu’à 5h le matin suivant, c’était donc une procession de Ganesh de 5 mètres de haut, colorés, dansants et voués à un seul et unique destin : la noyade dans la grande mer d’Arabie.
A chaque passage de Ganesh, perché sur ses roues et dévalant la pente de la plage à toute vitesse, tout le monde hurle « Morya » comme un signe de ralliement, comme le salut à un dieu rock-star, dont les dévots sont des groupies hystériques et dégénérés et non des pèlerins silencieux et endormis.
Cette fête massivement célébrée pose aussi un certain nombre de problèmes (évidemment ! nous sommes en Inde), notamment de pollution. En effet, le lendemain de la fête, en plus du fait que les plages semblent avoir été pilonnées au mortier toute la nuit, on aperçoit des bancs entier de poissons morts tués par les composants des statues dont la teneur acide et chimique est beaucoup trop élevée. A la base, ces statues étaient en argile, matériau naturel et facile à dissoudre dans l’eau, mais de plus en plus, ces statues sont en plâtre (plus long à dissoudre) et sont recouvertes de peintures pleines de métaux lourds très mauvais pour l’environnement.
Les indiens savent faire la fête, c’est sûr, mais ils savent aussi la gâcher. Malheureusement, c’est cette folie aux conséquences incontrôlées qui fait l’intérêt de ce type de festival, et de cette ville qui ne deviendra jamais raisonnable.