Chérie, mets ton manteau, je t’emmène voir les pauvres

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Bombay n’est pas une ville vraiment réputée pour sa richesse culturelle et pour la beauté de ses monuments. Il y a des choses à voir dans cette ville, je ne dis pas le contraire, mais quand on compare aux merveilles qu’on peut trouver dans d’autres parties de l’Inde, ca ne vaut pas la peine de s’attarder ici.

Bombay est une ville qui s’explore, qui se fouille, qui se vit. Pas une ville qui se visite en trois jours.

Ce n’est pas une v(f)ille facile qui se dévoile dans ses monuments ou dans ses attractions touristiques. La Gateway of India s’apprécie en un simple coup d’oeil, l’hotel Taj est un foutu centre commercial pour riches étrangers assommés par le mal du pays, la Victoria Station est un poême baroque mais uniquement à l’extérieur, les musées ne sont pas inoubliables et même la maison de ce pauvre Rudyard Kipling tombe en ruine alors que dans n’importe quelle ville du monde, un petit malin en aurait fait une attraction colorée, avec t-shirts, mugs et caleçons à l’effigie de Mowgli, Baloo et leurs copains poilus.

L’intérêt de Bombay, c’est Bombay : ses gens, sa vie, ses multitudes de cultures qui se retrouvent sur cette péninsule étroite dans l’espoir de faire un peu de pognon, son économie souterraine, son dynamisme entrepreneurial, ses rickshaws et ses slums.

En ce moment, beaucoup d’articles s’attardent sur le concept de slum tourism. Partout à travers le monde, des « tours opérators » (voir le lien)se chargent de la visite des slums de Bombay ou des favelas de Rio. L’image de ces lieux est gravée dans l’imaginaire collectif, notamment grâce à des films comme Slumdog Millionaire ou La cité de Dieu.

Les touristes veulent voir ce qu’il s’y passe, pour notamment être sûr de ne pas manquer ce qui constitue une grosse partie de ces villes.

Alors, est-ce du tourisme responsable ou du voyeurisme décomplexé ?

Certains disent que ça banalise la pauvreté, pire, que celle-ci se transforme en loisir éphémère pour des touristes en recherche d’une bonne conscience tout en étant finalement inconscients de la situation. D’autres mettent en avant une cohabitation nécessaire de deux mondes trop séparés, basée sur le respect entre les personnes et la participation économique et morale des ONG organisant ces visites. Comme une sorte de création de lien social entre deux mondes diamétralement opposés.

Mais ce qui frappe vraiment, c’est cette constatation que TOUT est tourisme aujourd’hui, et que n’importe quoi pourrait le devenir. Les monuments, les lieux, les hommes, mais aussi les choses immatérielles comme les techniques artisanales ou la cuisine : tout se visite, tout s’explore, tout se scrute, s’observe, tout se photographie, tout se vend.

Appelez ça tourisme écolo, tourisme responsable, tourisme gastronomique, tourisme sexuel, tourisme d’aventure : c’est la même chose, c’est la volonté de personnes de découvrir un environnement différent de celui dans lequel ils vivent habituellement.

Cette vision basique du tourisme est plutôt positive, ce sont les dérives (commerciales, discriminatoires et culturelles) qui ne le sont pas.

Il ne s’agit donc pas de s’offusquer de cet autre type de tourisme, mais plutôt de réfléchir à notre rapport aux autres cultures et à notre vision du monde trop souvent réduit à un vaste studio photo.

Deux articles sur le « poorism »:

http://www.nytimes.com/2008/03/09/travel/09heads.html?_r=0

http://thecelebritycafe.com/feature/2014/02/slum-tours-should-we-let-them-continue

NB : à Bombay, les slum tours n’intéressent que les touristes occidentaux, très peu d’indiens de la classe moyenne auraient l’idée de mettre les pieds dans un bidonville, et encore moins de payer pour ça.

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