Plouf!

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Ca y est, c’est la mousson. Censée arriver mi-juin, elle a été un peu retardée cette année et a commencé à tomber pour de bon début juillet. Et cette année (comme tous les ans apparemment), c’est épique : des seaux d’eau qui tombent du ciel, la circulation bloquée, les trains arrêtés, certaines rues inondées les télécommunications coupées, le tout nouveau métro super-moderne-qui-fait-la-fierté-de-la-ville qui fuit à l’intérieur … En gros, une atmosphère de guerre civile ou de fin du monde, au choix.

C’est amusant de voir que la mousson, ce phénomène qui existe ici depuis la nuit des temps, et qui réside plus ou moins toujours sur le même principe – des tonneaux d’eau qui tombent du ciel pendant une petite centaine de jours – n’est toujours pas maîtrisé et engendre des quasi-scènes de chaos dans les rues.

Bombay est une ville basse, construite au niveau de la mer, et en partie sur une zone marécageuse. Bombay est techniquement une île, avec la mer d’Arabie au sud et à l’ouest, une rivière au nord et une crique à l’est.

Bombay est plate comme une limande, ajoutez à ça un système d’évacuation des eaux souvent défaillant, parfois inexistant et vous aurez régulièrement des scènes de piscine publique en plein milieu de la ville, comme si de rien n’était

Ce court article de blog du Wall Street Journal nous apprend comment survivre dans les slums en période de mousson. En substance c’est : ne pas manger chez soi, mettre du plastique autour de tout ce qui dépasse et sortir le moins possible de sa maison dont les meubles auront été surélevés au préalable.

En gros, ce ne sont pas des solutions pour gérer efficacement la période de la mousson tout en poursuivant une vie normale, mais plutôt des manières de moins subir ces trois mois pendant lesquels la vie est profondément bouleversée.

Shivaji Nagar – la décharge de Déonar

Rivière près de la décharge, ShivajiNagar

Rivière près de la décharge, ShivajiNagar

Shivaji-Nagar est un quartier situé à l’est de Bombay. La situation de ce bidonville est très intéressante. Ce n’est pas Dharavi, la queen of the slums, bidonville modèle, médiatique et sexy. Non, Shivaji-Nagar en est même l’antithèse.

Déjà, il n’a pas le statut de slum, c’est officiellement une planned resettlement colony. Pourquoi resettlement ? Parce que ce quartier a été créé de toute pièce pour reloger des habitants expulsés d’autres bidonvilles. C’était en 1976. Le problème est, qu’en plus d’avoir été éjectés de leur maison ou ils avaient leurs voisins, leur famille et leur business, ces gens se sont retrouvés dans un semi-marais suintant la puanteur et la maladie, envahi de moustiques et enclavé entre un énorme abattoir et une décharge à ciel ouverte qui est aujourd’hui la plus grande poubelle de Bombay.

La conséquence est que ces gens ont donc vendu, loué, ou abandonné leur nouvelle maison pour se réinstaller le plus souvent dans le quartier duquel ils venaient tout juste de se faire expulser.

Petit à petit, ce quartier a donc été réinvesti par une population différente, qui s’est installée dans l’ombre sans arrêt grandissante de cette décharge géante. La Deonar dumping ground est aujourd’hui la plus grosse décharge de Bombay, princesse de la crasse. Et pourtant, la première fois que j’ai vu ce tas d’ordure à 1 km de distance, j’ai eu l’impression d’une très grande dune de sable donnant sur la mer et surplombant les cocotiers.

En réalité, ce tas de merde ouvert en 1927 s’étend sur 110 hectares et peut atteindre la taille d’un immeuble de 7 étages. Il contenait 9,2 millions d’ordures en 2008 et reçoit tout ce dont la ville ne veut pas, des ordures ménagères aux déchets électroniques, en passant par des des déchets bio-médicaux qui sont incinérés sur place, rejetant tous leurs sales composants nocifs dans l’atmosphère.

C’est une des raisons pour lesquelles les maladies se développent très vite à Govandi : Asthme, Polio, maladies de peau, maladies des poumons sont autant d’infections qui ont trouvé un foyer accueillant à Shivaji-Nagar, grâce à cette montagne de microbe qui pollue la zone.

Shivaji Nagar Plan

Les anecdotes ne sont pas rares : par exemple, en 2008, l’Autorité de l’aviation civile a autorisé un rehaussement de la hauteur de la décharge, de 35 à 45 m², ce qui a permis de gagner environ 60 hectares de volume d’ordures. Belle avancée, pourvu que les avions ne se crashent pas dans ce tas de merde.

Ou alors, la municipalité de Bombay a émis l’idée de génie de commander 42000 litres de déodorant pour la jolie somme de 112000 dollars que des agents devaient asperger pendant 8 mois sur l’amas d’ordure afin de lutter contre l’odeur infâme qui y régnait.

Il semblerait que ce projet diabolique ait été abandonné.

Puisque les chiffres et les « facts », c’est sympa, en voilà quelques uns qui montrent l’ampleur du désastre :

  • 8000 tonnes d’ordure sont produites chaque jour à Bombay

  • Environ 5000 tonnes vont directement dans la décharge de Déonar

  • Il y en a trois autres à Bombay qui sont complètement saturée : Mulund, Kanjunmarg et Mahim-Dharavi

  • L’état du Maharashtra génère la moitié des déchets industriels dangereux du pays : 2,1 millions de tonnes. Ceux-ci sont soit jetés illégalement, soit mal traités, causant une pollution environnementale accrue et un danger pour la santé des populations proches

  • La ville de Bombay n’a pour l’instant aucun plan établi concernant le traitement des déchets, tout juste quelques usines de traitement en construction, mais pas de vision à long terme qui prend en compte l’explosion démographique de la ville.

SOURCE

Misère et vicissitudes à Shivaji Nagar

Shivaji Nagar

Il y a une multitude de slums à Bombay : des vrais, des faux, des laids, des beaux, des gros touffus, des p’tits joufflus (merci Pierre Perret). Il y en a des biens construits, des presque détruits, il y en a des très vieux et d’autres tout nouveaux, certains sont très pauvres et d’autres fourmillent d’activité.

Il y a Dharavi « queen of the slums » et Govandi « queen of the bums ».

Je ne m’attarderai pas trop sur Dharavi car tout ou presque a été dit (j’en ferai peut-être un résumé plus tard), en revanche, Shivaji-Nagar situé dans le quartier de Govandi à l’est de la ville me semble beaucoup plus intéressant car, malgré toutes ses particularités, il est assez représentatif de ce qui se fait de pire à Bombay.

En effet, Shivaji-Nagar est considéré comme un des bidonvilles les plus pauvres de Bombay, et dans lequel la vie est très dure. En effet, son emplacement près d’une décharge géante, la pauvreté extrême de certains habitants, la forte mortalité infantile, la présence des maladies les plus pourries du monde (cancer, sida, lèpre, maladies respiratoires en tout genre, …) et d’autres sales trucs peu enviables créent un environnement extrêmement nuisible.

Sa situation communautaire délicate (moitié hindous-moitié musulmans), son statut légal très particulier (vu par tous comme un slum mais n’en n’ayant pas le statut), mais aussi sa vitalité, son foisonnement, et le dynamisme de certains de ses habitants-entrepreneurs (deux salles de sport, dont une fondée par un type plus large que haut et avec les bras de la taille d’une bite d’amarrage) ainsi que des maîtres d’œuvre (des centaines de logements sont construits ou rénovés chaque année) sont autant de raisons de s’intéresser à ce bidonville dans lequel un grand nombre des questions sociales, politiques, sanitaires, communautaires, identitaires ou religieuses se bousculent dans un chaos foutraque, foisonnant, plein de contradictions, mais tout de même fascinant.

La consommation dans les quartiers informels

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En 2011, la population indienne était environ de 1,2 milliards de personnes. 70% vivait dans les campagnes (850 millions de personnes), les 30% restant vivait dans des zones urbaines (350 millions). L’Inde a une urbanisation particulièrement lente, mais la précarité régnant dans les campagnes incite les ruraux a chercher du travail en ville. Et où vont-ils la plupart du temps ? Dans les bidonvilles.

La démographie galopante au sein des bidonvilles incite les économistes et les entreprises à s’intéresser à ce marché. Vivant d’une manière mi-rurale, mi-urbaine, les habitants des bidonvilles connaissent – et subissent – les nombreuses tentations de la ville, en conservant un revenu bas et une manière de vivre assez traditionnelle.

A ce propos, une amie me racontait l’autre jour que, dans le train, une dame lui avait fermement recommandé de ne pas remonter sa jupe au dessus des genoux, en dépit de la chaleur et malgré le fait que le wagon était uniquement constitué de femmes. Cette dame respectable n’a sans doute pas du voir les affiches gigantesques qui pullulent sur les autoroutes de Mumbai, où les actrices de Bollywood déjà à moitié à poil semblent simuler le plus bel orgasme de leur vie dans des films tels que « Kamasutra 3D » (avec l’inénarrable Sherlyn Chopra) ou « Jism 2 » (mot qui signifie « corps » en hindi, mais aussi sperme en argot anglais – heureuse coïncidence?) avec l’ancienne star de films porno Sunny Leone.

Les simples affiches de ces films ouvertement érotiques excitent les mâles en chaleur qui se trouvent plongés dans une profonde rêverie pornographique – au meilleur des cas – à la vue d’un mollet, ou pire, d’une épaule.

Et même si le parallèle est un peu facile, on peut affirmer que les pubs affichant les courbes élégantes de produits inabordables pour les habitants de Mumbai produisent le même type d’effet que les poses lascives des actrices de Bollywood : envie, besoin, obsession.

C’est ça la consommation d’aujourd’hui, à Bombay comme ailleurs.

Bref, c’est une classe informelle qui se forme dans ces quartiers vivant et consommant différemment du reste de la ville : en effet, alors que le problème de se nourrir décemment se pose encore pour la plupart, le fait de détenir une télévision reste une des priorités numéro 1. Dans les graphiques ci-dessous, on voit que la consommation basique est supérieure dans les slums que dans le reste de l’Inde et équivalente aux zones urbaines « formelles ». Mais dés qu’il s’agit de chier en paix et de boire à volonté, les habitants de ces quartiers sont encore loin du compte.

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« L’émulation consumériste » est ainsi très élevée dans les slums du fait de l’influence très forte des habitudes de consommation de la ville formelle. Mais les biens de consommation sont ils adaptés aux habitudes de ces habitants ainsi qu’à leur portefeuille ? Pas nécessairement. Selon une étude de la Participatory Research Society of Asia, 41% des habitants des bidonvilles gagnent entre 5000 et 10 000 roupies chaque mois (entre 62 et 125 €) dont la moitié passe dans la nourriture. C’est très peu et ça les oblige à s’endetter lourdement lorsqu’ils veulent s’acheter leur sacro-sainte télé ou un portable intelligent.

Le marché de la consommation dans les bidonvilles est sûrement prometteur (mais pas nécessairement positif) : des gens avec un réel besoin de consommation, prêts à travailler dur et à s’endetter mais dont les revenus sont assez bas. Reste aux entreprises de savoir s’adapter aux besoins et aux possibilités des habitants de ces quartiers.

Roti, kapda aur makaan

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L’Inde vient d’achever le processus qui fait d’elle (plus dans la théorie que dans la pratique) « la plus grande démocratie du monde ».

Depuis le 7 avril, jusqu’au 12 mai, environ 815 millions d’électeurs furent appelés à voter pour un de leurs 543 députés (ce sont des élections législatives) et, indirectement, pour le futur premier ministre Indien.

Et le grand vainqueur est Narendra Modi, leader nationaliste hindou, qualifié de « soft fascist » par ses détracteurs, mais considéré par la majorité des indiens comme étant la meilleure personne pour redresser le pays (les deux n’étant pas incompatibles).

Narendra Modi a profité d’un certain charisme, d’un bon bilan dans l’Etat dans lequel il est gouverneur, le Gujarat, de la faiblesse de l’opposition, et du ras le bol de la population vis à vis de l’historique et grabataire parti du Congrès qui a enfoncé le pays dans la corruption et l’inaction.

Et Bombay alors ?

Et bien Bombay est une ville qui ne vote pas. Ca fait 20 ans que le taux de participation ne dépasse pas les 50% dans cette ville. Je lisais l’autre jour dans je ne sais plus quel journal que l’image du Mumbaikar moyen était celle d’un type blasé par le monde, par la politique, et qui préférait noyer sa désillusion dans son verre de whisky plutôt que d’aller voter.

Personne ne voit l’intérêt de voter ici: Bombay est une ville trop grosse, trop puissante, trop riche, trop libérale, trop malhonnête, trop indépendante, trop crade, trop sexy pour avoir besoin de la politique. Avec ou sans politique, les choses roulent toutes seules, tant bien que mal. Personne ne souhaite vraiment voter, surtout pour un scrutin national : ni les riches, pour qui voter ne change rien à leurs affaires, ni les pauvres qui de toute façon auront toujours l’impression d’être ignorés par le gouvernement.

Ces derniers ne désirent que trois choses : Roti, kapda aur makaan. Du pain, des vêtements et un toit.

Concernant le logement, les dirigeants actuels ont bien essayé de légaliser un grand nombre de logements informels avant les élections, mais personne n’est vraiment dupe. En effet, cette légalisation est censée donner un statut officiel aux habitants de ces maisons et donc leur permettre d’accéder aux facilités de base comme l’eau, l’électricité, ou les toilettes. En théorie. Car en réalité, ce type d’initiative, très long à se mettre en place et souvent trop cher pour les habitants de ces quartiers, s’avère complètement inefficace.

Ainsi, plutôt que de s’attacher à des promesses qui n’engagent personne, chacun essaie de s’accommoder de cette situation pourrie par des petits plaisirs éphémères sans conséquence :

“It is common for politicians of all parties to offer money, saris and alcohol to a few leaders in the slums, who distribute the money and gifts among the slum dwellers before the elections,” said Chandrashekhar, an architect and activist who goes by one name and who has been involved with several slum rehabilitation projects. “Slum dwellers accept the money and gifts willingly, then they vote for whoever they want to.”

Démocratie, mon cul !

(SOURCE)

By KS Chawla

By KS Chawla

NB : Participation officielle à Bombay

Cette année, le taux de participation à Bombay a atteint 51,8% ; même si c’est encore très bas, la barre des 50% a été franchie, prouvant un intérêt pour ce scrutin historique. Cependant, les bidonvilles n’ont voté qu’autour de 45%. La palme revient à Mankhurd- Shivaji Nagar, dans l’est de la ville, qui rassemble les populations les plus pauvres. Seuls 40,8 % des gens ont voté.

La participation moyenne en Inde a été de 66,38%.

A Bombay, le BJP et son allié du Shiv-Sena (parti nationaliste Marathi, très puissant à Bombay), ont remporté les 6 sièges de la ville, et mettent ainsi au placard les députés du parti du Congrès qui occupaient ces sièges avant eux.

Water mafia : les truands ne sont pas là où on croit

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Sous ce titre de film américain se cache une réalité beaucoup moins grandiose.

L’eau est le « pétrole du XXIe » siècle, c’est ce qu’on nous rabâche partout et les spéculations quant à la montée du prix de l’eau vont bon train. L’eau se raréfie, il faut donc mieux la gérer.

A Bombay, dans cette grande et belle ville de Bombay, quand on voit en plein été les gardiens d’immeuble nettoyer au tuyau les Mercedes des gens riches, on imagine que l’eau ne doit pas être un problème.

Non, pas pour eux.

Mais pour une bonne partie de la ville, c’est est un. La faute non pas à une pénurie d’eau, mais à des problèmes structurels, économiques et administratifs.

Il y a entre 13 et 15 millions d’habitants à Bombay aujourd’hui. La municipalité fournit environ 3900 millions de litres par jour, alors que le besoin est estimé à 4500 millions de litres. Il y a donc 600 millions de litres d’eau manquants chaque jour. De plus, les fuites d’eau dans les tuyaux, les petits larcins ainsi que les vols à la source représentent un manque d’environ 25%. Soit entre 900 et 1000 millions de litres.

Ce qui nous fait un manque total d’environ un tiers des besoins en eau de la ville.

Sans compter le fait que beaucoup de parties de la ville ne sont pas raccordées à l’eau, notamment dans les bidonvilles : c’est ce déséquilibre qui entraîne des abus.

Water flows

La water mafia, c’est soit des habitants qui ont accès à l’eau chez eux et qui la vendent à ceux qui n’en ont pas, soit des petits malfrats qui récupèrent l’eau des tuyaux au moyen de « water pumps » et qui la revendent là encore à ceux qui n’en ont pas. C’est certes du vol, la justice doit empêcher ça mais ce n’est pas non plus Al Capone et ses copains. Et pourtant, le gouvernement sanctionne ces pratiques très lourdement .

Mais la meilleure manière de lutter contre un système illégal, n’est-ce pas de créer un modèle équivalent, mais légal et organisé? Par exemple, il suffirait d’investir un peu en raccordant gratuitement le plus possible d’habitants des slums, de fixer le prix de l’eau en fonction du niveau de vie de chaque quartier, et organiser une distribution équitable.  Ainsi, il n’y aurait plus de business parallèle, moins de fuites générées par les connections illégales, les personnes raccordées paieraient leurs factures et le gouvernement ferait une opération financière rentable tout en assurant un service public équilibré.

Comme l’explique cette étude, des opérations policières ont ainsi été lancés contre ces voleurs d’eau, qui ont été immédiatement remplacés par des sociétés privées de vente d’eau, tout à fait légales mais qui finalement faisaient la même chose, voire pire que les autres : vendre de l’eau d’une qualité plus que douteuse à un prix très élevé.

C’est souvent le même problème qui revient dans cette ville: la criminalité légale est pire que la petite criminalité, car elle opère à plus grande échelle et sans être jamais inquiétée ni contrôlée.

The Municipal Corporation

Shivaji-Nagar, AB

Shivaji-Nagar, AB

Avant de parler des politiques publiques et de « l’organisation » officielle des bidonvilles, il nous faut évoquer le statut et le pouvoir du BrihanMumbai Municipal Corporation (BMC), le conseil municipal d’ici.

Cette institution, qui a environ 125 ans, est la main armée du pouvoir local en ce qui concerne l’organisation de la ville et la mise en place des infrastructures publiques de base.

Le BMC est le conseil municipal le plus riche de l’Inde (voire d’Asie) et son budget est plus élevé que certains petits Etats indiens.

Et c’est là où ca devient intéressant, car celui qui contrôle le BMC contrôle une bonne partie de l’économie Mumbaikare, donc indienne et peut prétendre à un rôle très fort aux élections nationales.

C’est la raison pour laquelle un partie comme le Shiv Sena, un des partis principaux de Bombay a réussi à avoir une si grande influence dans toute l’Inde, alors qu’il n’est qu’un parti nationaliste local.

Le budget du BMC est cette année de 31178 crore roupies1 (soit environ 3.7 milliards d’Euros). Mais chez les habitants de Bombay, touchés par le scepticisme et la désillusion, personne ne croit vraiment en une juste utilisation de ce montant dont, semble t-il, seuls 25% sont dépensés.

Où vont les 75% restants ? Personne ne le sait mais tout le monde s’en doute.

Au niveau des bidonvilles, le pouvoir municipal dirigé par une coalition ShivSena-BJP (conservateur, nationaliste et hindouiste) a décidé d’accorder 50 crores (environ 6 millions d’euros) à la collecte de données sur les toilettes, la disponibilité en eau, le traitement des déchets et les écoles en place, « pour identifier les disparités en terme d’infrastructure et de services de base » entre les bidonvilles et le reste de la ville.

Bon début.

Mais dans cet article, une phrase foireuse (dont il est difficile de savoir si elle est ironique ou non) résume bien l’absurdité toute administrative de la situation et laisse entrevoir le résultat qui sera probablement nul :

« BMC officials said the data will then be put up on a software which will point out gaps through a benchmark analysis of essential services for a given population. »

Ca promet.

En plus de cette « étude », la ville accorde un budget de 7923 crores roupies (930 millions d’euros) pour améliorer les services et batiments municipaux dédiés aux « urban poors ».

(Source)

1 1 crore = 10 millions de roupies

Intouchables à Bombay en 1946

Entre 1946 et 1948, la photojournaliste Margaret Bourke-White a passé un certain temps en Inde et au Pakistan, devenant un témoin majeur de la partition entre les deux pays et des troubles qui s’ensuivirent.

Ses photos de Gandhi, de Muhammad Ali Jinnah, le fondateur du Pakistan, ainsi que des violentes émeutes interconfessionnelles de Calcutta en 1946 ont connu une certaine notoriété.

En 1946, elle a réalisé un reportage sur le système des castes en Inde à travers des photos qui font office de témoignage aujourd’hui sur les conditions de vie dans lesquelles vivaient les intouchables à Bombay à cette époque.

Il est en revanche impossible de savoir dans quelle partie de Bombay ces photos ont été prises

 

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Photographe : Margaret Bourke-White

Source : Life photo archive hosted by Google

Expérimentez misère et pauvreté… pour seulement 60€ par jour

Un cadre bucolique

Un cadre bucolique

Marre du stress de la vie moderne ? Assez du confort facile, d’une vie froide et sans émotion ? Marre de la technologie, des écrans, du virtuel ?

Venez vivre une expérience authentique, venez vivre comme un pauvre !

Les pauvres ont tout compris : ils ne s’embarrassent pas d’objets inutiles, et savent saisir les opportunités offertes par la vie. Ils n’ont pas besoin de beaucoup pour être heureux, alors faites comme eux, vivez dans une maison pourrie, faites vos commissions dans des trous derrière votre bicoque, venez goûter au bonheur simple !

Laissez tout tomber, munissez vous de votre carte bleue et venez nous rejoindre à l’Emoya luxury hotel and spa !

Notre « Shanty Town » saura vous accueillir en toute simplicité et vous accompagner dans une vraie expérience humaine.

Le WIFI et l’eau chaude sont inclus.

Des maisons au réalisme saisissant

Des maisons au réalisme saisissant

(Brochure  librement tirée du slum artificiel créé par un hôtel de luxe en Afrique du Sud, permettant à des touristes étrangers de vivre une expérience « différente »)

(Source)

Crédits Photos : Emoya Estate

Chérie, mets ton manteau, je t’emmène voir les pauvres

tourist

Bombay n’est pas une ville vraiment réputée pour sa richesse culturelle et pour la beauté de ses monuments. Il y a des choses à voir dans cette ville, je ne dis pas le contraire, mais quand on compare aux merveilles qu’on peut trouver dans d’autres parties de l’Inde, ca ne vaut pas la peine de s’attarder ici.

Bombay est une ville qui s’explore, qui se fouille, qui se vit. Pas une ville qui se visite en trois jours.

Ce n’est pas une v(f)ille facile qui se dévoile dans ses monuments ou dans ses attractions touristiques. La Gateway of India s’apprécie en un simple coup d’oeil, l’hotel Taj est un foutu centre commercial pour riches étrangers assommés par le mal du pays, la Victoria Station est un poême baroque mais uniquement à l’extérieur, les musées ne sont pas inoubliables et même la maison de ce pauvre Rudyard Kipling tombe en ruine alors que dans n’importe quelle ville du monde, un petit malin en aurait fait une attraction colorée, avec t-shirts, mugs et caleçons à l’effigie de Mowgli, Baloo et leurs copains poilus.

L’intérêt de Bombay, c’est Bombay : ses gens, sa vie, ses multitudes de cultures qui se retrouvent sur cette péninsule étroite dans l’espoir de faire un peu de pognon, son économie souterraine, son dynamisme entrepreneurial, ses rickshaws et ses slums.

En ce moment, beaucoup d’articles s’attardent sur le concept de slum tourism. Partout à travers le monde, des « tours opérators » (voir le lien)se chargent de la visite des slums de Bombay ou des favelas de Rio. L’image de ces lieux est gravée dans l’imaginaire collectif, notamment grâce à des films comme Slumdog Millionaire ou La cité de Dieu.

Les touristes veulent voir ce qu’il s’y passe, pour notamment être sûr de ne pas manquer ce qui constitue une grosse partie de ces villes.

Alors, est-ce du tourisme responsable ou du voyeurisme décomplexé ?

Certains disent que ça banalise la pauvreté, pire, que celle-ci se transforme en loisir éphémère pour des touristes en recherche d’une bonne conscience tout en étant finalement inconscients de la situation. D’autres mettent en avant une cohabitation nécessaire de deux mondes trop séparés, basée sur le respect entre les personnes et la participation économique et morale des ONG organisant ces visites. Comme une sorte de création de lien social entre deux mondes diamétralement opposés.

Mais ce qui frappe vraiment, c’est cette constatation que TOUT est tourisme aujourd’hui, et que n’importe quoi pourrait le devenir. Les monuments, les lieux, les hommes, mais aussi les choses immatérielles comme les techniques artisanales ou la cuisine : tout se visite, tout s’explore, tout se scrute, s’observe, tout se photographie, tout se vend.

Appelez ça tourisme écolo, tourisme responsable, tourisme gastronomique, tourisme sexuel, tourisme d’aventure : c’est la même chose, c’est la volonté de personnes de découvrir un environnement différent de celui dans lequel ils vivent habituellement.

Cette vision basique du tourisme est plutôt positive, ce sont les dérives (commerciales, discriminatoires et culturelles) qui ne le sont pas.

Il ne s’agit donc pas de s’offusquer de cet autre type de tourisme, mais plutôt de réfléchir à notre rapport aux autres cultures et à notre vision du monde trop souvent réduit à un vaste studio photo.

Deux articles sur le « poorism »:

http://www.nytimes.com/2008/03/09/travel/09heads.html?_r=0

http://thecelebritycafe.com/feature/2014/02/slum-tours-should-we-let-them-continue

NB : à Bombay, les slum tours n’intéressent que les touristes occidentaux, très peu d’indiens de la classe moyenne auraient l’idée de mettre les pieds dans un bidonville, et encore moins de payer pour ça.