Quelques chiffres

Skyline

Bombay et son agglomération comptent aujourd’hui plus de 20 millions d’habitants. Le dernier recensement officiel remonte à 2011 mais il est très difficile d’avoir des chiffres exacts, en raison notamment de l’afflux constant de nouveaux habitants et de l’absence d’organisation urbaine.

La municipalité du « Grand Mumbai » regroupe environ 13 millions d’habitants pour une surface de 603,4 km², dont 437.71 km² sont habités (le reste sont des terrains administratifs) ce qui fait une densité d’environ 29700 hab/km² sur la surface habitée.

C’est une densité élevée, mais à titre de comparaison, elle est à peu près équivalente à la densité de Paris intra-muros et bien inférieure à la densité de l’île de Manhattan à New-York.

Rien d’exceptionnel donc, en comparaison d’autres grandes villes du monde.

Cependant, le problème se situe sur un autre plan : 62% des habitants de Bombay vivent dans des bidonvilles ou des quartiers informels. Ce qui fait environ 8 millions de personnes. Ce chiffre est déjà énorme mais ce qui est génant, c’est de savoir que ces 8 millions de personnes vivent sur seulement 15% du territoire de la ville. Soit environ 90 km².

Imaginez 8 millions de personnes s’entassant sur un terrain de 90 km².

Ou alors une population de 89000 habitants par km².

Ou encore une ville de la dimension de Paris, mais avec 4 fois plus d’habitants.

C’est un entassement d’êtres humains tellement énorme qu’on a du mal à y croire.

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Et ce n’est pas tout ! Dharavi, le plus grand bidonville d’Inde, situé au centre de Mumbai a une envergure de très précisément 2,39 km² et une population comptant entre 700000 et 1 million d’habitants. Ce qui équivaut à une densité comprise entre 293000 hab/km² et 418000 hab/km² !

C’est gigantesque.

Pour reprendre un exemple bien français, c’est comme si on prenait la population de Marseille et qu’on la déposait sur le rocher de Monaco. Ca ferait sans doute plus de supporters au stade Louis II, mais Albert ne serait sans doute pas très content.

Voilà pour les chiffres. Ca en fait beaucoup mais ça permet de mieux se rendre compte du contexte dont nous allons parler.

Il faut aussi prendre en compte la marge d’erreur comprise entre 5 et 10% pour ces chiffres car ils reposent sur le dernier recensement datant de 2011 – qui lui-même ne devait pas être très précis – et essaient de prendre en compte l’afflux constant d’habitants chaque année (entre 100 et 300 familles s’installent à Mumbai chaque année) ainsi que différentes sources précisant que les chiffres du recensement sont probablement en dessous de la réalité.

L’objectif n’est pas d’être d’une précision diabolique mais de donner des ordres de grandeurs et des comparaisons, bien suffisants ici pour montrer l’ampleur dramatique de la situation.

Mais de quoi parle t-on?

ImageSlums à : Londres au XIXe siècle, Paris au XXe siècle, Rio, Bombay, Karachi, Nairobi aujourd’hui

Il y a un réel problème de définition aujourd’hui pour qualifier ce qu’on appelle en français « les bidonvilles ». Ce terme n’est plus du tout représentatif de la réalité, de la diversité des situations dans le monde et implante dans l’esprit des gens une image d’Epinal très négative qui n’aide pas à définir ce dont on parle.

Bidonvilles, slums, shanty towns, townships, favelas, barrios : les noms pour représenter une «zone urbaine très densément peuplée, caractérisée par un habitat inférieur aux normes et misérable» (selon la définition archi simple de UN habitat) sont souvent le fruit de spécificités culturelles et temporelles qui ne peuvent refléter un modèle unique.

Par exemple, le terme français bidonville est apparu dans la première moitié du XXe siècle en Afrique du Nord pour désigner ces habitations faites de tôles et, je vous le donne en mille, de bidons.

Les mots slums ou shanty towns, eux, sont à l’origine synonymes non seulement de saleté et de délabrement mais aussi de lieux dans lesquels règnent la criminalité, le racket et la prostitution.

Ces dénominations bancales, et la définition ultra simple donnée auparavant sont très loin de définir la multitude de cas régnant dans ces quartiers. En effet, les bidonvilles ne sont pas nécessairement composés de structures extrêmement fragiles faites de tôle, de fer et de matériaux de récupération, comme on peut le penser.

Dans une étude parue en 2001 et publiée par la Municipal Corporation of Greater Mumbai (MCGM), on peut lire que 62% des habitations des bidonvilles de Bombay sont faites de matériaux permanents (murs de briques et toits en ciment) auxquels on peut ajouter 27% qui sont des structures semi-permanentes, c’est à dire avec mur de briques mais des toits encore fragiles. Nous ne sommes ainsi pas loin de 90% de structures « en dur ».

Et même si on considère que cette étude a été réalisée il y a une douzaine d’années, et que l’arrivée massive  de nouveaux habitants chaque année, ainsi que les techniques de recensement probablement très discutables doivent changer la donne, cette situation prouve que « l’habitat inférieur aux normes et misérable » n’est pas nécessairement la règle, en tout cas à Bombay.